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Patrick Edlinger

La mémoire calcaire

 
 
 

 

Ses doigts de serre ont démocratisé la grimpe dans les années 80. L'escalade incarnait alors un mode de vie anticonformiste dont il était le héros, l'icône. Son premier film, "La vie au bout des doigts", a changé sa vie. Et l'escalade moderne. Rencontre avec une star qui se fait rare.

Les années 80 ont retenu de lui un symbole: l'icône anti-conformiste d'un garçon au cheveux longs, pendu par un bras au dessus du vide, sans assurance. Comme celle du "che", l'image du "blond", Patrick Edlinger, a fait le tour du monde, réveillée des montagnes de question existentielles, révélé des milliers de nature contestataires. " Plus qu'un sport, l'escalade est un mode de vie ", avait lancé le grimpeur, bandeau rouge noué autour du crâne, pour expliquer sa passion. Dans un environnement alors bercé par le paraître et la réussite sociale, ce fut un choc. Un électrochoc même...

L'intéressé, lui, n'a rien vu de tout cela. Quand le cinéaste Jean-Paul Janssen vient le trouver pour filmer ses escalades pour les Carnets de l'Aventure, l'émission de la chaîne nationale française Antenne 2 qui berce alors fétiche les explorateurs en herbe, Patrick Edlinger n'a que 22 ans. Il a abandonné ces études depuis des années, persuadé malgré les doutes de ses parents, que l'escalade saura le nourrir. Ce tournage est l'occasion de gagner quelques milliers de francs. Une fortune pour le jeune homme qui vit de quelques sponsors entre les falaises et les blocs qu'il parcourt comme un nomade dans son van.

"Paulo (le surnom amical du réalisateur) voulait montrer quelque chose de différent à l'écran, explique Patrick Edlinger. J'avais pensé à une escalade sous un grand plafond. Mais quand il est arrivé avec son équipe, je n'avais pas réussi à sécuriser la voie pour ses caméras. Rien ne tenait dans cette roche délitée."

Pour sauver le planning, le jeune homme propose un repli sur le village du Buoux. L'endroit est baigné de nature, les falaises, d'une centaine de mètres, y sont de toute beauté, et Patrick connaît bien le terrain. Il est même capable d'y grimper sans aucune assurance. Le cinéaste est bluffé. En quatre jours, tout le stock de pellicule y passe. Trois semaine plus tard, le film, finement baptisé " La vie au bout des doigts " est à l'antenne.

EN SOLO A DOUZE ANS

" Après ça ma vie a complètement changé ", se souvient Edlinger. Plateaux télé, séances photos, soirée Jet-Set. Les médias, les stars comme les anonymes n'ont d'yeux que pour ce nouveau " risk symbol ". Il fait la " une " des plus gros tirages sur la planète. On lui trouve un nom : " Le grimpeur aux mains nues " Longtemps cantonnée au cercle de l'alpinisme, l'escalade libre vient de sortir de sa chrysalide.

" J'ai vraiment été surpris du nombre de gens que ça intéressait, raconte encore le grimpeur. Pour moi, ça n'était rien d'autre qu'une passion que j'entendais vivre à fond " Le jeune Patrick a touché son premier granit vers huit ans sur les blocs d'Ailefroide qui ceinturaient la maison de vacances familiale dans les Hautes-Alpes. Le rocher lui plaît. Ses parents lui trouve deux guides dans la MJC voisine. Avec ces deux grimpeurs - Christian Crespo et Pierre Louis - qui voient déjà en lui un futur champion, il fait son premier solo dans une voie des Calanques marseillaises. La course est facile mais longue - une centaine de mètres au-dessus de l'eau - et le jeune homme n'a que douze ans... " Je faisais ma scolarité chez les frères maristes et je me retrouvais là avec des fils d'ouvriers venants des chantiers de la Seyne. L'escalade m'apportait un moyen d'évasion et une possibilité de me connaître sans tricher "

" J'ai découvert au fond de moi des ressources que je ne soupçonnais pas. J'ai touché l'ultime et ouvert un nouveau potentiel de puissance. "

Le jeune Patrick sort littéralement transformé de cette introspection adolescente. L'escalade sera son métier, il en est sûr. Il sort premier des probatoires pour sa préparation de guide et grimpe comme un boulimique avec son nouvel ami Patrick Berhault qui profite comme lui de tout son temps libre pour gravir les falaises du sud de la France. Ensemble ils élaborent un planning d'entraînement jamais vu dans la discipline : tractions, abdos, pompes s'enchaînent quotidiennement par centaines. " Nous étions convaincus que la force musculaire devais se mettre au service de la technique. A l'époque, notre obsession était la rapidité. Comme Messner, nous voulions être en mesure d'aller vite pour sortir rapidement des voies. L'entraînement était la clé ". 

En montagne, les deux compères enchaînent ainsi les succès comme la première hivernale de la voie des Plaques à L'Ailefroide qu'ils réalisent dans la journée, approche comprise. Les deux personnages se construisent ensemble durant cette période. Chacun avec sa personnalité, chacun avec une petite part de l'autre. " Ils étaient plus que des frères, témoigne un proche, plus que des jumeaux même, comme une cordée à la Terray-Lachenal ". Pendant trois ans, les deux hommes ne se quittent pas une seconde. Ils arpentent toutes les classiques, déflorent des nouveautés, mettent leurs conditions à l'épreuve. Jusqu'à l'heure du choix : à Bérhault les Alpes, à Edlinger les falaises.

DANS L'ARÈNE DES COMPÉTITIONS 

Avec le déluge médiatique (le blond est alors la personnalité préférée des français), les jalousies et leur cortège de polémique ne tarde pas à le suivre à la trace...

 

La communauté des grimpeurs doute de son auréole. Des jeunes loups lui contestent le titre de meilleurs grimpeur de la planète... Le pudique sudiste, qui se tient soigneusement à l'écart de la plupart des autres grimpeurs, est alors contraint de s'exposer. Dans le village varois du Beausset où il habite alors, il aménage une immense salle d'escalade pour s'entraîner plus spécifiquement à la compétition. " Un lieu d'avant-garde, une salle immense avec des toits et des dévers, des centaines de prises. C'était un des spots à la mode " se souvient un grimpeur qui faisait parti du cercle des invités.

Cette année 1986, la tension est extrême à Bardonecchia qui accueille l'une des premières compétition internationales de grimpe. Une foule énorme s'est amassée aux pieds des voies italiennes. Devant elles, Edlinger assoit définitivement sa légende en posant délicatement le pied là ou les autres concurrents ont mis le genou. " C'est un mutant qui sait lire le rocher comme personne " témoigne alors un des concurrents. 

 

L'année qui suit est pourtant pire : c'est la course au 8c, le plus haut niveau d'escalade, jamais atteint. Le grimpeur Jean-Baptiste Tribout pense avoir trouvé le Graal ultime en ouvrant le toit des " Spécialistes " au Verdon. Mais Edlinger qui répète la voie avec trop de facilité décote le projet : 8b+. Grosse colère du premier, qui le somme dans une lettre publique, de prouver son niveau.

Le ring à pour nom Snowbird aux États-Unis, théâtre d'une nouvelle compétition. La crème des grimpeurs est présente pour s'affronter sur cette falaise d'une difficulté extrême. Les règles sont simples : parvenir le plus haut... Edlinger survole l'épreuve en arrivant 16 mètres au-dessus du second...!

Les comptes réglés, il peut retourner à une escalade plus intime. Loin des caméras et du public, il fait face en solo à " Orange Mécanique ", une voie redoutable du Cimaï (niveau 8a), parée d'un pas aléatoire en sortie où " la peau doit pouvoir tenir dans un verrou... J'étais si tendu que mes muscles se sont tétanisés vers la moitié de la voie. Aucune échappatoire possible. J'ai tourné le dos pour voir en bas ou j'allais m'écraser. Je me suis dit que c'était trop bête de finir comme ça. Et puis j'ai découvert au fond de moi des ressources que je ne soupçonnais pas. J'ai touché l'ultime et ouvert un nouveau potentiel de puissance. Je me sentais léger et j'ai finalement sorti la voie ".

INDESTRUCTIBLE CHARPENTE

Ne jamais abandonner. Supporter la souffrance. Dépasser ses limites. Respecter son corps. Vivre en harmonie. S'adapter; créer, imaginer... " j'ai tout appris du rocher ", confie le grimpeur. Même à surmonter le pire. 1995, il s'entraîne dans les Calanques. Une voie facile en 7b pour s'échauffer. Il saute plusieurs points d'assurance. Et c'est la chute : une prise casse avant qu'il ai le temps de mousquetonner. Il s'écrase dix-huit mètres plus bas. Ceux qui l'on vu racontent qu'il a rebondi de la moitié de hauteur. Il n'est pas mort, mais le cœur s'est arrêté de battre. Un médecin présent parvient à le ranimer. Les secouristes craignent le pire pour son dos. A l'hôpital, pourtant les examens sont négatifs. Le soir même, il est dehors, en état de choc mais vivant, avec comme seules séquelles des déchirements musculaires au niveau abdominal !

Deux semaines plus tard, il est de nouveau sur les falaises qu'il continue à courtiser. " J'ai un besoin vital du rocher, s'excuse t-il. Régulièrement tous les jours 5 à 6 heures sur des voies de 8 ème degré, et je consacre deux jours de repos hebdomadaire à mon travail de conseiller technique chez Cassin et Béal. A 45 ans, je reste mobilisé et motivé. J'alterne, pour ne pas ma lasser, bloc, voies dures, grandes voies et voyages. Et je nourris mes rêves " Celui du moment serait d'entrer dans le club très fermé des grimpeurs du neuvième degré. Un ultime défi ? En tout cas, une fidélité sans limite à sa passion...